Il l’a rencontrée avant le drame. Cela doit faire deux ans à présent.
Il allait ranger les courses dans son coffre ; un choc à sa voiture, un oups et un éclat de rire enfantin.
Le caddie avait roulé tout seul et sa voiture à lui, l’avait stoppé.
La femme qui se tenait là, gênée et cette jeune fille qui riait…..quel joli tableau !juste ce qu’il faut pour en un instant, oublier la cohue du magasin, les surgelés dans le coffre et le rendez vous avec les copains.
Il sut que la jeune fille s’appelait Suzon et se dit que c’était original et joli ; La maman la prit à bout de bras et l’assis à l’avant de sa voiture puis vint récupérer le caddie. Il n’hésita pas une seconde à faire leur connaissance.
Il est des moments, où tout semble couler tout seul, sans retenue comme si c’était normal de se raconter sa vie sur un parking un samedi matin !
Lui, était électricien et vivait un petit appartement en plein centre et elle, était mère divorcée et vivait avec son fils et sa fille dans le quartier est.
Ce n’était pas eux qui s’étaient donné leurs numéros de téléphone. Non c’était un atome. C’était lui aussi qui leur disait qu’ils se connaissaient depuis toujours et qu’ils devaient se rencontrer.
En très peu de temps, Suzon, pascale et julien étaient devenus son horizon, sa vie.
Suzon suivait des cours à la maison et le faisait consciencieusement. Elle avait treize ans et à part son petit air sérieux quand elle faisait ses devoirs, tout en elle était joie de vivre.
Tous les mois, elle devait être hospitalisée pendant trois jours pour subir des examens et il était rare qu’elle se plaigne.
David, notre électricien, aurait bien voulu être le papa de ces deux adolescents qui l’avaient si bien intégré dans cette famille.
Il pourrait peut-être envisager de…mais pascale répondait que non, c’était bien comme ça de vivre ensemble et qu’un mariage ne changerait rien.
Elle avait raison !à quoi bon vouloir donner un nom à leur amour !
Cinq mois étaient passés. Vingt heures et ils étaient à table tous les deux, discutant des nouveaux rideaux qu’ils devraient poser dans la chambre de Suzon. Elle aurait la surprise en rentrant de son séjour à l’hôpital et elle aimerait sûrement aussi le pyjama que David lui avait acheté. Il était imprimé d’oursons bleus car elle n’aimait pas le rose, et il était léger, car il commençait à faire chaud.
Le téléphone de la maison s’était mis à sonner et pascale alla répondre pendant que David débarrassait les couverts.
Il l’entendit murmurer, comme si les sons ne voulaient pas sortir de sa bouche ; il s’approcha d’elle et n’eut pas le temps de poser de questions.
: »Vite à l’hôpital lui dit-elle »
Les clés, la sacoche pour les papiers…c’est étrange comme certains gestes se font automatiquement !
Sans concertation, c’est lui qui prit le volant car pascale n’était pas en état. Elle était pâle et tremblait, les yeux remplis d’incertitude et de larmes qui refusaient de tomber comme pour ne pas donner foi à cette tragédie. Elle n’avait plus dit un mot.
Lui, ne voulait pas penser au pire ; il n’y avait aucune raison. Ce soir encore, après son travail il avait rejoint pascale dans la chambre de Suzon et tout allait bien !
La voiture garée, ils étaient entrés dans le hall et s’étaient dirigés en automates vers le service qui habituellement accueillait Suzon.
Un docteur qui les avait reconnus, vint à leur devant et avec un air compatissant mais sûr de lui, il les dirigea vers les soins intensifs.
David se laissait guider sans réfléchir. Il entendait le bruit des chaussures de pascale, qui semblaient haleter tout en claquant sur le sol brillant des couloirs.
Ils tournèrent à droite. C’était là que pendant quatre jours allait se suivre cette histoire.
Ce lieu silencieux, feutré, allait devenir pour eux un lieu de cauchemars.
Une porte sur le côté gauche s’ouvrit et on leur demanda d’entrer et de s’asseoir.
Certains se demanderont comment pascale a pu tenir son calme jusqu’à présent ; mais David qui la connaissait bien, savait que ce n’était que bouillonnements intérieurs et peur.
En fait, le couple était uni par le même sang glacé depuis d’interminables minutes et même leurs battements de cœurs semblaient crier à l’incompréhension.
Interloqués ils regardaient le médecin qui leur expliquait : »coma, appareils respiratoires, visites autorisées pour une seule personne à la fois, blouses et masques à mettre, se laver les mains…. »Quelques mots semblaient vouloir être plus présents pour se faire entendre.
Ce fut Pascale la première qui revêtit la blouse et le masque et une fois les mains brossées, David ne la vit plus à travers le sas.
Il s’était assis, doigts contre doigts, la tête baissée sur le côté comme pour mieux entendre. Il fallait qu’il sache, qu’il voit !
Il se leva en réfléchissant. Ce n’était pas possible que ce petit trésor se trouve là, bataillant pour rester en vie. Ses pas allaient de la chaise à la porte. Puis il la vit se déshabiller dans le sas .Pascale n’était plus qu’une ombre grise. Seules ses larmes brillaient. Elle ne pouvait même pas répondre à David qui se décida jambes tremblantes à rentrer dans le sas.
Il allait savoir par lui-même.
Avant d’entrouvrir la porte de la chambre, ses yeux commencèrent à s’embuer. Il ne savait pas si il pourrait supporter de voir sa petite protégée allongée à la merci du caprice de la vie.
Il s’approcha doucement comme pour ne pas la réveiller et là…. !
Il reçut un choc !
Il ne comprenait pas. Dans ce lit, alimenté par une machine qui soufflait comme un démon, le corps nu, ce n’était pas Suzon !c’était julien.
Aucune blessure, pas de sang, juste un ange de seize ans qui dort sur le bruit ronronnant de matériels de légendes.
David était sorti. Il fallait qu’il sache. Il rejoignit sa bien-aimée et là, ils se jetèrent l’un contre l’autre pour pleurer.
Le temps n’avait pas d’importance, ni le lieu. Puis les mots se sont mis à glisser comme pour en amortir l’horreur. Overdose.
Julien avait fait une overdose ! De la drogue !
Mais julien ne se droguait pas ! C’était un gosse très gentil ! Ils l’auraient su quand même ! Depuis quand ? Pourquoi ? Qu’avaient-ils fait ou pas fait pour qu’il en arrive là ? Ils ne s’étaient aperçus de rien !
D’un coup la vie, n’était plus un long fleuve tranquille. Pascale passait son temps au chevet de son fils et le peu de temps où David la voyait, il pouvait lire une absence dans ses yeux.
C’est lui qui allait voir Suzon pendant le restant de son séjour et c’est aussi lui qui la ramena chez eux.
La police était venue questionner, fouiller, et laisser des doutes quant à leur qualité de parents.
Julien maintenu en vie artificiellement s’est quand même éteint quatre jours après sans avoir pu expliquer pourquoi alors qu’il avait tout pour être heureux, il s’était donné à la drogue.
Après l’enterrement, Pascale se reprochait le bonheur qu’elle avait vécu avec David.
Si elle ne l’avait pas connu, si seulement elle s’était occupée de ses enfants au lieu de se complaire dans cette vie à quatre !
Il est là, il repense à tout ça, mais il sonne tout de même à la porte.
Il faut qu’il voie Pascale et Suzon.
Fin.