L'idée de cette nouvelle c'est de montrer à quel point la sacralisation d'une personne peut être nuisible.
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La nuit tombe à peine. C’est une nuit d’été.
J’ouvre les yeux.
Il est presque vingt-deux heures. Je sors du tram. J’arrive à cette soirée, je n’ai pu y être invité que parce qu’un de mes amis, Clément, connait l’organisateur. Ceux qui sont présents me sont inconnus, je les salue de la tête. J’évite leurs regards, sans pouvoir éviter le sien. Elle est là, entourée de garçons, ses yeux sont fixés sur moi. Elle, avec ses cheveux blonds étincelant, ses yeux d’un bleu profond, si profond que j'aimerais m'y noyer.
Les rires des uns se mêlent aux bavardages des autres. Une cacophonie qui se heurte à la musique incessante, fondue dans le décor.
Il est près d’une heure du matin.
Je fais mine de m’intéresser aux problèmes existentiels d’un type dont j’ai oublié le nom. Il s’interroge sur son avenir tandis que je m’ennui de mon présent. Je la cherche parmi les invités. Je la trouve dehors, elle est seule.
Je ferme les yeux.
Je saisis l’instant, je me précipite dans le jardin. La lumière dorée de la lampe située près de la porte passe à travers la fenêtre et l’éclaire. Je lui parle, je ne me souviens pas de ce qu’elle me dit.
Je trouve le moyen de bafouiller quelques banalités. Elle rit de mes calembours, minables soit dit en passant. Son regard s’apaise, je crois qu’elle parvient à saisir mon âme. Je calme mes envies. Je veux l’embrasser. J’évite de porter mon attention sur ce qu’elle me raconte, la déception pourrait en être que trop grande. Je ne sais strictement rien d’elle. Je préfère imaginer ce qu’elle pourrait être.
Sans comprendre pourquoi, je m’emballe. Mes lèvres touchent les siennes. Ses yeux se ferment, les miens restent ouverts. Je n’ai jamais pu embrasser qui que ce soit les yeux fermés. Nos lèvres se séparent. Elle sourit, mon visage trahit ma surprise. Elle prend ma main. Je le regarde. J’entends Clément.
J’ouvre les yeux.
Clément demande si j’étais en train de m’endormir. Je nie, évidemment. Je regarde à nouveau à travers la fenêtre. Je la vois, elle embrasse un autre. Ses bras enlacé autours de son cou. Je prends un autre verre, avalant ainsi ma frustration. Je me tourne vers Clément, je feins un rire. Il ne comprend pas pourquoi je m’esclaffe. Je ne comprends pas pourquoi je suis triste.
Ce soir encore, je m'enivre.