Ecrire, pourquoi écrire, pourquoi gratter,
Avec la plume, le papier sans s’arrêter?
Noircir la feuille encore, mais à quoi sert d’écrire,
Quand la pensée s’enfuit et n’a plus rien à dire.
Ecrire de beaux vers d’une forme parfaite,
Métrique et perfection sont alors à la fête.
Mais la forme est–elle suffisante au bonheur
Quand l’écrit sec et dur dit l’absence de cœur ?
Ecrire d’un seul jet, comme cela vous pousse,
Les mots pétillant comme bière monte en mousse.
Poèmes d’un instant, qu’on ne peut reproduire,
Souvent très imparfaits, mais qui savent séduire.
Ecrire ses amours dans leurs joies et leurs peines,
En sanglots déchirants que l’autre lit à peine,
Qui n’apporteront rien de mieux qu’entretenir
Des regrets perçants et de tristes souvenirs.
Ecrire la nature en mots très perfectibles,
Pour rendre sa magie souvent indescriptible,
En phrase trop fadasses et trop édulcorées
Pour nous restituer ses moires colorées.
Ecrire le social, la misère et la faim,
Et les conflits mortels dont on ne voit la fin,
Où la haine de l’homme et sa folie, en maîtres
Règnent et semblent vouloir nous faire disparaître.
Quand tout cela sera écrit, sera gravé,
Les esprits matériels, les âmes dépravées
Les gens d’économie, de pouvoir et d’argent
Diront : « A quoi sert la poésie ? » doctement.
« Et bien, Messieurs, si poésie est éternelle,
Si elle a survécu aux guerres et querelles,
C’est qu’elle sait apporter à ceux qui la lisent
Le rêve que la plupart d’entre vous méprisent ».
« Venez nous visiter, et par là découvrir
Comment on peut aimer, comment on peut souffrir,
Comment, loin de toute gloire et modestement,
Nous appelons un monde meilleur, simplement. »
Un grand chagrin d’amour, écrit avec le cœur,
Résonnera pour ceux qui vivent ce malheur.
Une belle passion sera un beau soleil
A ceux qui auront pu en connaître un pareil.
Pauvreté et misère appellent à nos devoirs
D’ouvrir les yeux autour de nous, et, enfin, voir.
La nature décrite en sa fraîche beauté
Nous apporte évasion et puis sérénité.
Le poète qu’on veut ignorer, qu’on méprise
Nous livre ce sur quoi pouvoir, argent, n’ont prise,
Un rayon de printemps, un peu de vraie tendresse,
Une pensée pour ceux qui souffrent ou qu’on agresse.
Et parfois, au hasard des pages et des mots,
Un texte saute aux yeux, il nous semble si beau,
Nous parlant très profond, qu’il nous incite à dire :
« Ah, ce poème là, j’aurais aimé l’écrire.»
Daniel Dive