I
Jardin d'éther s'anime au fil du jeu complice
D'esprits lutins créant recoins, buissons touffus,
Arbres fruitiers malins dans le voile diffus
D'une brume coquine aux senteurs de mélisse.
De frôlements de feuille en rires à hélices,
Un curieux magicien fuit de la fée l'affût
En un gai cache-cache, à l'abri du raffut
Dont le monde réel emplit les cœurs factices.
Dix soleils zinzolin, neuf vies, huit en avant
Sept rêves à six brins, cinq pommiers, quatre vents
Trois roses cérulé, deux sarments, une biche.
Quand le compte est défait, la fée file aux cachettes,
Mais le jeu tourne court car le magicien triche
Et la fée, dépitée, prend poudre d'escampette.
II
Dans le jardin d'éther, le soir a déposé
Sur les arbres amers et les buissons humides
Un silence chagrin saupoudrant de ses rides.
Les soleils zinzolin et la biche rosée.
Perché sur un sapin en une pose osée,
Le magicien soudain a senti comme un vide
Dans le calme de l'air, se trouvant bien aride,
Et son humeur légère en est toute empesée.
Plus un rire aguicheur pour le bercer de rêve
Et, la tristesse au cœur s'échouant sur la grève
De sa folle insouciance, il se noie de regrets.
Sa baguette magique, hélas ! semble oublier
Toute sa jolie science, emmêlant ses secrets
En un tour pathétique, elle effeuille un pommier.
III
Dans la douceur de l'air, la jolie fée paresse
A la pluie bouton d'or qu'offre le crépuscule,
Accueille en réconfort ces baisers libellules
Dont le soleil à terre la couvre avec tendresse.
Sur un rayon lunaire une vague tristesse
L'atteint quand tout s'endort, battement minuscule
Qui vient naître en son corps et ses pensées basculent
Vers le jardin d'éther où rire était caresse.
Le silence précieux tend l'oreille au concert
Des elfes malicieux peuplant ce bois désert,
Chantant ronde amoureuse au cœur de la clairière.
Mais la reine des lieux a perdu charme ancien
Quand elle a fui, boudeuse et sans doute trop fière,
Le pouvoir mystérieux du petit magicien
IV
Le dernier ver luisant flotte au jardin d'éther
Dans l'ultime rayon de la lune qui baille,
Saupoudre de haillons argentés en bataille
Les herbes balançant avant que de se taire.
Le petit magicien se clôt à la lumière
De l'aube qui paraît ceinte d'or à la taille,
Ne conserve qu'un trait entrouvert, une faille,
Filtre le bleu de l'eau qui perle à ses paupières.
"Une bouche nacrée, deux yeux mutins, trois vœux,
Quatre baisers sucrés, cinq doigts d'amour, si peu,
C'est elle, huit ailes, neuf est le matin qui point,
Dis-moi, la fée, es-tu repartie dans ton monde ?"
Un souffle le réchauffe en baume de benjoin...
Il la prend, si menue, et l'entraîne en sa ronde.