Le plus souvent Rose et Louis s'asseyaient en tailleur, l'un face à l'autre, et ils passaient de longs instants à se regarder les yeux remplis d'étoiles.
Elle, l'Eve originelle, plongeait dans le regard sombre de son compagnon, un regard bousculé de passions et de rêves, ombrageux comme un lipizan, ténébreux comme un hidalgo. Elle y suivait le parcours tourmenté de ses ciels d'orage et de ses matins calmes, elle y découvrait aussi l'amour, un amour vrai, éternel, impérissable.
Lui, l'amoureux éperdu, se mirait au cristal des yeux de sa bien-aimée, des yeux d'azur clair frangés de cils noirs et longs, il y découvrait le trouble qui agitait ses pensées, ses élans de tendresse et ses peurs irraisonnées, l'ivresse des premiers émois et la crainte de l'éphémère. Il s'attendrissait devant la buée légère qui ourlait son regard, perles de l'âme, source inépuisable d'un coeur à l'abandon.
Heureux comme Adam au seuil de l'Eden, il lui confectionnait des couronnes de fleurs des champs, quelques brins de paille qui servaient de support, et des fleurs multicolores piquées dans la tresse végétale. Elle était superbe avec ses cheveux blonds jetés négligemment sur ses épaules, des cheveux que notre Adam agrémentait encore et encore de fleurs qu'il cueillait à brassées.
Ils éclataient de rire devant l'attitude de leurs camarades surpris de leur folle gaieté, enfin, anéantis de bonheur, ils s'effondraient dans l'herbe grasse, enlacés et heureux.
Ils se tenaient allongés côte à côte, le regard planté vers cet infini qui les harassait de lumière, ils laissaient leur esprit dériver au gré du mouvement des nuages qui poursuivaient leur route à l'extrémité du monde, puis elle posait sa tête sur sa poitrine, écoutant le jeune coeur battre au rythme de ses émois intérieurs.
Lui s'enivrait du parfum de ses cheveux dispersés en vagues blondes, il percevait la chaleur de son corps, la tiédeur de sa peau douce comme un pétale de lys, calice offert, butin inviolable et sacré.
Ils s'endormaient enfin, émerveillés l'un de l'autre.