Rétro
Il m’arrive de me trouver vieux par la somme de mes souvenirs…
A six ans, je savais déjà que le père noël n’était que pure invention mais j’en attendais pas moins le jouet qui viendrait émerveiller mes yeux et me redonner un regard d’enfant. Il arrivait toujours avec quelques jours de retard, ramené par mes grands-parents maternels. A l’époque, je vivais chez une arrière grand-mère, je m’étais déjà recréé d’autres parents…
Noël, c’était déjà l’orange et quelques tranches de pain d’épice, un repas à deux dans la salle à manger cirée, utilisée pour les grandes occasions, pas de réveillon, pas de flonflon, juste une date sur un calendrier…
Et si à ce moment-là de l’année, le petit cochon qui me servait de tirelire recevait les étrennes sous forme de pièces ou de petits billets, il ne me souvient guère de les avoir utilisés à mon profit. Je comptais chaque semaine, le samedi, ma fortune personnelle. C’est grâce à elle que je payais ma place pour voir un film ou un cirque à l’école, pas seulement ma place mais aussi celles d’enfants dont les parents n’avait pas de ressources. Quoi de plus triste qu’un enfant qui reste seul dans une classe tant que les autres éclatent de rire.
A six ans, j’avais la nature pour jouer quand le temps le permettait, ou sinon, les voyages que je m’organisai dans ma tête d’enfant en regardant les cartes postales et les timbres que mon arrière grand-mère avait accumulé dans un carton ou le vieux catalogue de Manufrance pour rêver d’être apiculteur ou chasseur. La vie d’alors était dure, déjà, et pauvres et nantis se côtoyaient de loin. Pourtant de cette période, je garde la nostalgie d’instants heureux et d’amours qui m’ont permis de grandir même si d’autres souffrances allaient y succéder. Privations et punitions faisaient partie de mon quotidien mais les dernières étaient justifiées, j’avais le sale caractère des écorchés-vifs et des réactions si caractérielles que j’ai mis bien du temps à seulement tempérer et adoucir.
Il m’arrivait de regarder, rêveur mais sans jalousie, ce que d’autres enfants recevaient pour Noël, ou pouvait avoir comme jeux avec ce qu’ils avaient. Alors, je me réfugiais dans ma cabane de carton pour me refaire un monde moins injuste jusqu’à ce que mon arrière grand-mère vienne m’en tirer avec douceur pour le repas.