Un Djeun.
Qu’est-ce donc que cette espèce pullulante appelée « Le jeune » qui lui-même se baptise volontiers « DJeun » et qui jamais ne vieillira ?
Le DJeun ne fait pas son lit, à quoi bon, on y retourne le soir même. Le DJeun extorque de l’argent à ses vieux et pille le frigo en gueulant « Quoi, putain, y a plus de Nutella ? » Bref, souvent le DJeun est ingrat, on dit souvent con.
Et puis il y a toi. Tu circules à rollers en te gavant de nourriture chinoise parce que ça fait pas grossir, d’ailleurs tu l’as remarqué, tu as perdu du poids comme tu dis. A 16 ans c’est vachement important, tu parles, mon œil, mais enfin si ça te fait du bien de le croire. En contrepartie tu te goinfres de divers colorants, ça c’est pas bon et tu le sais mais ça te fait tellement de bien au moral que tu t’en fous, tu ne vas pas t’en priver quand même.
Tu te sens tellement « lapin agile » que tu n’as pas vu l’obstacle et voilà que le roller coince et tu chutes lourdement tenant ta barre chocolatée d’une main ferme. Plutôt que de la lâcher, déterminé tu sauves ton repas et tu t’éclates une dent de devant. Tant mieux ! C’est ça qui t’ôte ta fausse arrogance qui te donne tant de charme quand tu rigoles, les épaules rentrées et le corps gesticulant car un Djeun ça gesticule beaucoup.
Tu es lycéen et je t’ai aperçu dans les rayons de l’hyper-marché où tu bosses pour te faire un peu de blé parce que ta mère ne veut pas que tu glandes à la maison. Alors au boulot, tu taxes des cigarettes, tu joues avec ton iPhone que t’as eu à Noël et tu interpelles le chef de rayon des fruits et légumes « Eh tu connais Machin-Truc-Muche » ou celui du rayon Hi-Fi avec tes connaissances dont lui n’a strictement rien à faire mais voilà ce sont tes idoles et tu tiens à ce que tout le monde soit de ton avis et tu te permets même des libertés avec le chef du personnel sans te rendre compte que tu l’exaspères et qu’un seul mot de lui pourrait te priver de ton job.
Maintenant parlons style. On t’appelle « Le mousseux » rapport à tes problèmes capillaires mais tu veux assurer et tu penses une semaine à l’avance à ta tenue pour la party du samedi soir entre potes où tu mettras ta fameuse veste rouge de grand couturier, au moins ça, ça jette. Quand tu sors, col de veste relevé, caleçon apparent, plus l’accessoire qui tue, l’écharpe de ton club de foot fétiche. L’autre problème, ta malette qui fait représentant de commerce de province, seul hic dans cette panoplie de jeune branché rock au lycée.
Mais tout comptes faits, nous sommes pareils toi et moi, toi le jeune et moi l’ancien jeune que tu as copié avec tes idées, tes fringues et tes copains actuels. Moi aussi je me rêvais « génie » international habitant sur les bords du Gange ou plein d’enthousiasme pour Voltaire ou Balzac. Moi, j’ai connu Chaplin, Cocteau et Piaf mais tu en connaîtras d’autres aussi illustres, c’est le tourbillon de la vie.
Tu es beau et insouciant, les garçons de ton âge doivent haïr ce petit con plein de tunes qui se la pète. Tu as 16 ans mais tu en as assez qu’on te rabâche, que feras-tu plus tard ?
Après tout on s’en tape, on verra bien dans quelques années, quand je ne serai plus qu’un vieux beau et que tu regarderas ton fils faire ses premiers pas d’homme comme je t’ai regardé faire les tiens, mon fils.