L’emportement
Il est né affligé d’une tare, laid et colérique
Ne comprenant rien de ce monde où il entrait
Trublion accidentel, une vie en italique
Au refus de l’amour, l’amertume, il tétait
Et comme il était malingre, chétif et inutile
On l’envoya à la campagne pour ne plus le voir
Ce gosse qui sans cesse tombait, branche futile
Sans souvenir d’enfance, qui attendait le soir
Combien dans son mal-être a-t-il claqué de portes
Pour revenir, piteux, les yeux embués par le chagrin
Ayant pour héritage l’abandon en quelque sorte
A six, onze et seize, redevenant orphelin
Juste s’habituer à un toit et devoir repartir
Comme un bateau dans la tempête à qui un port
Refuse l’asile et renvoie affronter les vagues d’un avenir
Où l’écume des incertitudes vous attire vers la mort
Pourtant il s’est accroché à la vie, comme à une bouée
Naufragé de l’enfance, adulte sans arme à l’âge
Où d’autres adolescents rentrent simplement au lycée
Lui n’a jamais eu le temps de défaire ses bagages
De ruptures en colères, une valise à la main
De quais de gare en impasses, il a cru pouvoir être
Un homme généreux, patient et intègre
Pauvre zombie maigrichon au seuil de l’incertain
Le fond de son regard est pavé de tristesse
Mais son cœur se consume comme brûle des rêves de papier
Quand l’amour lui remonte aux yeux en rosée tendresse
Il se bat dans sa solitude pour ne pas perde pied
Voulant toujours donner sans savoir offrir
Rugueux mais tendre aux milles emportements
Il aimerait juste avoir un peu de tendres plaisirs
Tandis que s’enfuient les jours inexorablement.
Rien n'est pire pour soi que d'être différent des autres.