Litanie pour vingt huit hivers

Litanie pour vingt huit hivers


Durant trois cycles ne se voulant hérésie,
Tentais-je d’édifier des pierrailles impies,
Émiettaient par les souffles hurlants et les pluies
Telles des poussières balayées sans bruit.
Les furibonds volcans illuminant mes nuits
Furent étouffés par les larmes des cieux gris
Offrant un monde orné de joyaux indécis,
Mirages s’éclipsant à la moindre saisie.

Je suis désillusionné de souiller ma plume
Sous des homélies plus lourdes que les enclumes,
De l’ensevelir dans des cendres qui l’enfument,
D’entonner des odes teintées d’amertume
Qui gente tristesse et douleur sans cesse inhument.

Je suis lassé d’ingérer l’hydromel nectar,
Mélange acrimonieux d’oraisons et d’espoirs,
Drogue apportant la lueur dans l’absolu noir
Qui - rêver sa vie – me conjure de croire
Bien que je veux vivre mes songes même un soir.

Je suis blasé par mon Passé qui ne s’éteint,
Brasier ayant calciné les jeux enfantins,
Feu minier brûlant la tête et le cœur chagrin,
Dois-je l’enterrer sous les terres de demain,
Et devenir l’homme sans souvenir aucun ?

Je suis usé d’apothéoser l’idéal,
De traîner mon corps dans un fleuve où git Tantale,
D’endossé son supplice finement létal
Frôlant mon Amour vêtu de loques spectrales
Qui damne mon âme d’intangibles régals.

Le temps œuvre à l’affouillement de mon esprit,
Mure mon cortex dans un tunnel obscurci
Où l’éclat étincelant jamais ne jaillit
M’engluant d’un infect goudron qui m’affaiblit.
Mais baisser les bras ne sera de mise ici,
Car plus je n’ai que cette volonté hardie
De me battre jusqu’au Repos du Juste aigri.


Grégou