Je sens bien qu'aujourd'hui le tapis se déroule,
Que s'effacent unes à unes les marches du temps,
Les jours sont rouge sang lorsque la vie s'écoule,
Mais où sont à présent tous nos matins d'antan.
L'homme est un arbrisseau sous le grand vent d'Eole,
Il ne sait, il ne peut à la fin résister,
Son corps n'est que papier et son ambition folle,
Comment vouloir renaître avant d'avoir été.
Comme tout un chacun, comme un océan d'autres,
Nous nous effacerons dans le grand sablier,
A quoi bon s'offusquer du destin qui est nôtre,
L'encre de vie s'écoule dans le même encrier.
Après serons nous pinson, lapin ou herbe folle,
Rameau d'olivier, cerise vermillonne,
Serons nous tintement du clocher qui s'affole,
Ou bien soleil d'été dans l'orage qui tonne.
Nous serons d'un pays qui n'a pas de frontières,
Un rêve d'outre temps, un pays d'outre ailleurs,
Nous serons la pensée, l'esprit, la lumière,
Un léger bruissement, un souvenir en pleur.