UNE GOUTTE D’EAU !
Ce matin il fait un temps curieux. Le soleil a du mal à réchauffer la nature. Mais comme il n’y a ni vent ni de nuages désagréables, je me dis que c’est le moment idéal pour aller faire prendre l’air à mon vélo.
En route donc, pour une nature qui semble bigrement encourageante !
Un joli petit chemin de terre encadré de verdure, d’herbes impertinentes et de fleurs malicieuses me font un signe d’invitation et je ne résiste pas !
Quel bonheur ! Je me promène dans un tableau carte postale. C’est magique !
Mon esprit respire !
Mais tiens ! C’est quoi ça ?
J’écoute, je suis perplexe. Que se passe-t-il ?
Je regarde autour de moi ... rien.
D’où vient cette drôle de plainte ? J’avance encore et j’aperçois un petit cours d’eau. Pas d’erreur, le gémissement vient de là. Je m’approche encore, et je « la » vois.
Une goutte d’eau ! Bien qu’interloquée, je lui demande.
- « Que t’arrive t-il pour gémir de la sorte ? »
- « Suis moi ! Comme tu le sais, je suis portée par le cours d’eau et ne peux en aucun cas m’arrêter. Un peu plus bas il y a un méandre et là je pourrai me garer et te raconter. » me dit-elle.
Très intriguée, je me dépêche de suivre ses indications.
Nous arrivons ensemble à l’endroit indiqué et là, descendant de vélo, je m’installe confortablement, avide de comprendre ce qui se passe.
- « Mais enfin, pourquoi es-tu dans un état pareil ? »
- « Il faut bien que tu sois un humain pour me poser cette question ! Je viens d’aller à la réunion de la nature : c’est une catastrophe ! Les torrents grondent, les volcans sont sous pression, les vents s’enroulent de colère, les failles de la terre, excédées, sont prêtes à s’écarter pour engloutir ce qu’il restera après le passage des éléments déchaînés. »
Abasourdie je la regarde sans comprendre.
- « Mais enfin, qu’est-il encore arrivé pour que la nature soit à ce point révoltée ? »
- « Comment ! Tu oses me le demander ? Vous détruisez et salissez tout ! Vous êtes aveugles et sourds aux avertissements. Vous ne respectez rien, ni les animaux, ni les végétaux, ni l’atmosphère.
Il parait même que maintenant vous vous en prenez aux comètes ! Il n’y a plus d’équilibre possible, nous n’en pouvons plus et je pleure sur votre inconscience et votre bêtise. Regarde donc autour de toi ! »
J’ai honte ! Je baisse la tête, peu fière de la « famille » à laquelle j’appartiens.
Qu’aurais-je pu lui répondre ? Tout ce qu’elle venait de me dire était vrai et je le savais !
Moi qui me sentais si bien quelques minutes auparavant, dans le charme et la douceur de cette nature qui m’entourait, j’éprouvais soudainement une forte impuissance et une grande tristesse.
Bien que faisant partie de cette espèce qui s’était proclamée l’élite, je ne pouvais que mesurer l’étendue de notre bêtise qui n’avait d’égal que notre prétention.
Des larmes perlaient aux bords de mes cils.
- « Goutte d’eau ! Je ne puis t’offrir que ces petites perles de tristesse en gage de ma sincérité et espérer que ceux qui se sont arrogés le pouvoir, prennent un jour conscience de leur immense bêtise ! Tu sais, moi je l’aime la nature, mais je reconnais que je n’ai pas fait grand chose pour le prouver !
La goutte d’eau me regarde et m’envoie un merveilleux sourire embué.
- « Merci pour tes perles. Je les conserve précieusement. Peut-être pourront-elles aider à la prochaine réunion de la nature !
- « Merci à toi, goutte d’eau ! Reçois ce baiser que je te souffle et dis-toi que peut être nous ne sommes pas aussi mauvais que nous le paraissons !
La gouttelette reprend le cours de l’eau et moi je n’ai plus de courage.
Alors je rentre chez moi, en tenant mon vélo à la main.
Après tout, que voulez vous … Je me raccroche à ce que je peux !
jeannette insurgé
Sujet: une goutte d'eau 
