Le passage.

Il était une fois un Royaume, qu'on appelait la Toile Poétique, composé de plusieurs duchés. Chaque duché avait édicté ses propres règles en sus des règles générales de la Toile Poétique. Or, les habitants de chaque duché avaient la liberté d'aller et venir de duché en duché, les frontières n'étant pas fermées ni gardées.

Certains duchés étaient énormes, et les habitants se marchaient un peu sur les pieds : il y avait les résidents à vie, les résidents temporaires, et les touristes de passage. Ca faisait beaucoup de monde au cm2, les jours d'affluence, et pas mal de bruit. Comme on s'y marchait un peu sur les pieds, qu'on s'y prenait aussi des coups de coude dans l'œil (surtout les jours de grande foire), il y avait parfois des bagarres, un peu comme dans le petit village breton qui résiste toujours et encore à l'envahisseur. Certains de ces gros duchés attendaient une certaine allégeance de leurs Habitants d’Honneur (qui pour certains, n’avaient pas demandé à être HH), d’autres avaient fait le choix de la liberté totale de mouvement. Les raisons de ces choix étaient diverses et il n’appartient pas au narrateur d’en débattre ici.

Et puis il y avait de petits duchés, où les habitants avaient tout loisir de flâner, de papoter, de faire des bulles. Il n’y avait pas de garde-fou, de feux de circulation, ni de soldats du Duc ou de la Duchesse, puisque le Duc ou la Duchesse avait cette particularité (si précieuse) : la Confiance. Alors parfois, certains, le nez un peu trop dans les étoiles ou un peu trop sur leurs souliers, oubliaient de regarder devant eux et BOOM, se télescopaient en pleine rue. Mais heureusement, comme il n'y avait pas 50 personnes autour pour jurer publiquement, haut et fort, que c'était Untel (et gnagnagna) qui avait commencé, ni de club privé pour HH, on s'arrangeait discrètement et on finissait généralement par se glisser un mot gentil à l'oreille avant de repartir chacun de son côté dans sa flânerie. Il y avait également, parfois, débats sur la place public, mais on évitait les poissons pourris et les tomates trop mures. Ceci pour une bonne raison : on avait compris l’importance de la diversité, indispensable pour conserver au duché toutes ses couleurs et ses odeurs.

Au Royaume de la Toile Poétique, il y avait également une règle qui n’avait jamais été écrite, mais qu’étrangement, pour une fois, dans tous les duchés, on respectait : les frontières n’étant pas fermées et les habitants étant pour beaucoup résidents de plusieurs duchés (tout le monde le savait puisqu’on se croisait à droite et à gauche), on évitait toujours de nommer publiquement, en bien ou en mal, le duché voisin. Même en cas de crise, il semblait que c’était une règle acquise. Cela permettait entre autres à chaque duché de conserver son autonomie et sa spécificité.

Et l’âge des ducs et duchesses n’a rien à voir, dans l’esprit du narrateur, avec tout ça. On a vu des Ducs d’un âge avancé se comporter comme des enfants et des Duchesses fraîches de jeunesse faire preuve de davantage d’esprit. Et puis n’oublions pas ceci : un duché vit des couleurs que ses habitants réussiront à lui donner, également.

La suite de cette histoire reste à écrire.