L'amour vous berce.
Il vous déleste du poids de la pluie parisienne. Il nullifie le peu de charité en vous, celle qu'implore ce pauvre homme à la sortie de la Gare du Nord. Il vous pousse à bafouiller quelques explications au barman en fin de service. Vous l'attendez... Elle qui était sensée vous attendre... Puis elle monte les escaliers et votre cœur s'effrite. Le bleu de ses yeux noirci par sa pupille dilatée, son sourire imparfait, l'onde brune de ses cheveux. Elle vous serre, fort contre elle, vous sentez le crescendo qui frappe sa poitrine contre la votre... Et vous comprenez. Il est déjà trop tard.
Tout s'emballe.
Sur un balcon, elle vous embrasse au rythme de La Savoyarde. Vous n'entendez plus la cloche. Vous faites l'amour, des heures durant, animés par vos désirs. Vous la regardez dormir en attendant qu'elle se réveille. Le risque est grand, vous le savez, son regard pourrait vous abattre. Vous cultivez ses rires et goûtez sa peau. Vous voyez l'avenir... Le mariage, la grande maison, les enfants bruyants aux fulgurances brillantes, le chien même... Elle l'appellerez Jacquot. Elle qui adore Jacques Brel. Elle qui fait valser votre esprit.
Vous parlez. Ah ! ça se complique...
Elle parle de liberté. Elle craint de mourir sous vos bras. Elle nie... "Fous-moi la paix"... Tout vous échappe. Vous voyez les premières fêlures et avec elles, les premières larmes que vous versez quand ses yeux se ferment. Elle ne veut pas vous blesser, dit-elle. Et vous comprenez. Il est déjà trop tard. Pourtant, vous retrouvez l’éclat de vos rêves dans les éclats de ses rires, dans le moindre baiser, dans la manière dont elle élève ses sourcils ou pince ses lèvres.
Avant que les rails ne vous séparent, elle vous montre l'amour qu'elle ne saura évincer... Fluctuat Nec Mergitur et caetera.... Elle s’assoupit dans vos bras, vous êtes allongés sur un quai et plus bas, des déchets flottent sur la Seine. Vous y voyez une ironie. Vous prenez les avions scindant le ciel pour des étoiles filantes et votre souhait le plus cher serait qu'elle soit votre éternellement. Le train vous éloigne. La gravité rappelle vos pleurs, elle les a bien vu.
Putain...
Un énième texto, un dernier mensonge. Vous ne pouvez pas la laisser vous utiliser. Vous l'avez utilisé. Vous vouliez juste la voir nue. Oui, c'est ça... Ni plus, ni moins. Penser autre chose serait une folie. Vous n’êtes pas fou, ce serait fou de l’être. Elle pleure. Vous aussi. Comment pourrait-elle le savoir, vous ne lui répondez plus...
L'amour vous frappe.