Un marin, qui vivait une retraite heureuse
Captura un beau jour une mouette rieuse
Qu’il plaça aussitôt dans une grande cage
Où trônait un ara ramené d’un voyage.
Ils se firent au début bien sûr quelques misères
Mais bien que différents vite ils sympathisèrent
Et l’on put bientôt voir que devenus copains
Ils partageaient tout deux la boisson et le pain.
Et les années passant cette belle harmonie
Se renforça encore et sans cérémonie
Leur maître les lâchait parfois dans la maison
Où ils pouvaient voler comme en des frondaisons.
Comme beaucoup de ceux qui aiment la nature
Ce retraité heureux pratiquait la peinture
Et fixait sur la toile, en s’appliquant beaucoup,
Ses souvenirs qu’ensuite il pendait à un clou.
Un jour notre marin, dont la belle santé
Et le nez rubicond ne devaient rien au thé,
S’absenta longuement, bien plus que d’habitude
Pour tester un Bordeaux dont il faisait l’étude.
Et comme il le testa consciencieusement
Quand il rentra le soir ce fut en se traînant.
Ses jambes le portaient avec beaucoup de peine
Et sa vue était trouble ainsi que son haleine.
Quand sa clé, par hasard, entra dans la serrure
Il put ouvrir sa porte et changea de figure :
Ses oiseaux devant lui, ou ce qui leur ressemble
Sont de même couleur et ricanent ensemble.
Serait ce de l’alcool un résultat pervers ?
La mouette autrefois blanche a le plumage vert
Et rouge et jaune et bleu et même gris souris
Et ce qu’il entend là c’est son ara qui rit ! ! !
Entrant en titubant comme font les ivrognes
Le vieux marin s’avance et soudain il se cogne
Au chevalet portant sa plus récente toile
En tombant il se blesse et il voit des étoiles.
Quand il rouvre les yeux, auprès de sa figure
Il découvre soudain ses tubes de peinture
Eventrés par les coups de becs qu’ils ont reçus
Et il comprend enfin ce qu’il a aperçu.
Moralité
Même s’il semble sage, animal ou enfant
Ne doit être laissé la bride sur le cou !
Si sa baby-sitter a bu un petit coup
On peut s’attendre à tout et au pire souvent.